MO(T)SAIQUES 2

"Et vers midi
Des gens se réjouiront d'être réunis là
Qui ne se seront jamais connus et qui ne savent
Les uns des autres que ceci : qu'il faudra s'habiller
Comme pour une fête et aller dans la nuit ..."

Milosz

jeudi 6 décembre 2012

P. 204. Le 4 décembre 1693 : la Médée de M-A Charpentier


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Marc-Antoine Charpentier et sa Médée (Mont. JEA/DR).

M-A Charpentier :
"La musique me fut de peu d'honneurs
mais de grande charge..."

Médée : Tragédie lyrique en 5 actes (avec prologue) de Marc-Antoine Charpentier sur un livret de Thomas Corneille.
Création à Paris, le 4 décembre 1693, à l'Académie Royale de Musique.
Charpentier dédia cette tragédie à Louis XIV dont voici la réponse :
- « Elle [sa majesté] était persuadée qu'il était un habile homme et qu'Elle savait qu'il y avait de très belles choses dans son opéra… »

Culture.fr

- "Durant la période où il travaille chez les Jésuites, Charpentier, alors âgé de cinquante ans, fait représenter à l'Académie royale de musique Médée, son unique tragédie en musique. Le livret est de Thomas Corneille que le musicien avait connu au théâtre français une vingtaine d'années auparavant."

Noël Tinazzi

- "Avec cette oeuvre très aboutie, le compositeur espère (en vain) prendre la place de Lully, disparu en 1687, comme compositeur officiel de Louis XIV. Sommet de la tragédie lyrique, « Médée », oeuvre rare et exigeante regorge de pépites musicales (…).
Frère cadet du grand Pierre - lequel débute sa carrière de dramaturge avec une « Médée » oubliée - Thomas se surpasse dans ce livret en vers rimés, à la langue pleine de bonheurs d'expression, aux ressorts dramatiques indéniables, rénovant la tragédie de Médée. S'y révèlent les diverses facettes de la magicienne infanticide, déchirée par l'amour de l'aventureux Jason pour qui elle a tout quitté et pour lequel elle sacrifiera tout, y compris ses enfants. Jouet d'intrigants dont la duplicité n'a d'égale que l'inconstance, Médée est condamnée à la vengeance."
(Rue du Théâtre, 15 octobre 2012).

Surintendant

- "Quand Médée est représentée pour la première fois, en 1693 à Paris, ce n’est pas avec la douceur à laquelle s’était habitué le public de Lully, que seule la mort pouvait déboulonner de son poste. Accusée par les Lullistes d’être percluse d’italianismes, la vision par Charpentier de ce drame antique universel fit un tel scandale que ce fut le dernier opéra de sa carrière."
(Le Blog Baroque, 17 octobre 2012).

Forum Opera

- "Oeuvre maudite, vouée dès sa création aux gémonies d'une certaine élite piquée de lullysme conquérant, Médée n'est pas des oeuvres qui s'apprivoisent facilement...
Charpentier, pour la composition de Médée, s'est attaché à la double tâche apparemment paradoxale de respecter et de transgresser le modèle lullyste. La partition s'en trouve enrichie d'un discours dense, aux récitatifs touffus parcourus d'airs à l'orchestration à la fois délicate, fragile et d'un dramatisme fiévreux."
(5 octobre 2004).

Muse Baroque

- "Le livret dense - presque trop - de Thomas Corneille, le langage harmonique de Charpentier bien plus complexe que celui de Lully, l'opulence de l'orchestre à la française dans la digne tradition du Surintendant, la souplesse des récitatifs et des sortes d'arioso indéterminés font de Médée l'unique et sublime véritable tragédie lyrique à part entière de Charpentier."
(Le magazine de la musique baroque, s. d.).

La version des Arts Florissants et de William Christie (DR).

Jean-François Lixon

- "Le propos de Médée reste toujours d’actualité : l’amour donne-t-il à celui ou celle qui le ressent tous les droits pour parvenir à ses fins ? Aimer est-il un argument suffisant pour se dégager de toute responsabilité ?
(francetélévision, cuturebox, 14 octobre 2012).

Opéra de Lille

- "Sorcière bien-aimée des compositeurs, Médée est l’héroïne de plusieurs opéras qui ont fait date. Le chef-d’œuvre de la tragédie lyrique française que Charpentier a composé à la fin du dix-septième siècle est l’un des plus fidèles au caractère fantastique du mythe antique.
Pour se venger de la trahison amoureuse de Jason, la princesse de Colchide ensorcelle ses adversaires, poignarde ses enfants et offre une robe imprégnée de poison à Créuse, sa rivale. L’ambivalence du personnage, entre grandeur et monstruosité, ouvre de multiples orientations dramaturgiques."
(Novembre 2012).

Lunettes Rouges

- "L’opéra de Marc-Antoine Charpentier (qu’on pourrait voir comme un éternel second de Lully, de même que le librettiste, Thomas Corneille, fut dans l’ombre de son frère – auteur, lui aussi, d’une Médée, bien plus noire - et tenta de s’en affranchir) fait de l’héroïne un personnage complexe, qu’on ne peut réduire à une magicienne infanticide. Médée est amoureuse, et c’est l’amour qui la conduit à sa perte (…).
Entre le fat et infidèle Jason, la stupide Créüse, l’opportuniste pervers Créon et le libidineux Oronte, Médée est la seule à faire preuve de noblesse, d’une noblesse si pure, si sincère et intransigeante qu’elle la mène au drame. Mère, amante et guérisseuse autant que magicienne maléfique, son amour bafoué la fait sombrer dans la vengeance, le crime et la folie, et dans l’infanticide, crime le plus odieux (et, ici, sans doute, aussi forme d’automutilation punitive), mais ces actes sont aussi la manifestation d’une rébellion idéaliste contre la raison d’état, la logique de pouvoir, l’ordre établi."
(16 octobre 2012).

André Tubeuf

- "La Médée de Charpentier pourrait bien être le chef-d’œuvre de l’opéra versaillais : la sensibilité, la finesse, le format des portraits dramatiques qu’elle offre en musique n’ont pas d’équivalent dans des œuvres plus célébrées, plus décoratives (…).
Retrouvons tout du sublime Charpentier, trop longtemps négligé, tellement plus italien (par la sensualité spiritualisée et la tendresse) et plus peintre (par le modelé et la pâte) que le terriblement français et royaliste Lully."
(L’oeil et l’oreille, 18 octobre 2012).

1838 : la Médée d'Eugène Delacroix (DR).

Théâtre des Champs-Elysées

- "Médée nous plonge dans des mondes divergents où s’affrontent, dans la démesure et l’extrémisme, tout l’éventail des passions qui, à défaut de laisser la raison triompher, se détruisent mutuellement, ivres de leur soi-disant bon droit.
L’amour possessif de Médée et son destin révèlent que l’amour n’est pas tant l’affaire des dieux que celle des hommes, puisque l’être qui représente l’Amour – ici Médée – ira jusqu’à s’octroyer le droit de détruire sur son passage tout ce qui s’y trouve, à commencer par ses propres enfants.
Pour le librettiste Thomas Corneille, comme ça l’était déjà pour son aîné Pierre, l’affaire est entendue : seul l’amour fait vivre les êtres humains que nous sommes, et c’est à ce titre qu’il doit avoir tous les droits ; or si tel est le cas, ce qui fait vivre les hommes est aussi bien ce qui les tue, car qui a tous les droits ne se reconnaît plus aucun devoir... L’amour est donc tragique pour autant qu’il est à la fois nécessaire et impossible."
(Octobre 2012).

David Le Marrec

- "L'oeuvre est, en soi, l'une des tragédies en musique les plus réussies de tout le répertoire. Et, si j'abstrais ma propre subjectivité, je la citerais peut-être comme l'exemple le plus abouti du genre tout entier, réunissant à elle seule de la déclamation ciselée, des scènes de caractère saisissantes, une qualité mélodique hors du commun, une assez grande densité harmonique, des originalités instrumentales, des divertissements courts mais marquants.
On y trouve notamment l'un des livrets les plus noirs, mais aussi des plus vigoureux dramatiquement, l'une des plus belles scènes infernales de tout le répertoire opératique, des récitatifs majestueux parcourus d'effets étonnants, le plus beau duo d'amour de l'histoire de la musique (avec, soyons, généreux, l'acte II de Tristan), et aussi l'une des fins les plus marquantes de l'histoire de l'opéra. Seul le Prologue est sensiblement moins intéressant, en grande partie à cause du texte platement explicite, Thomas Corneille ne s'étant pas embarrassé d'allusions pour brosser les souliers du souverain."
(Operacritiques, carnet sur sol, 17 octobre 2012).

Catherine Cessac

- "Le 28 juin 1698, Charpentier est nommé maître de musique des enfants de la Sainte-Chapelle. Il y demeure jusqu’à sa mort. Son œuvre est conservée à la Bibliothèque nationale de France, en manuscrits autographes appelés Mélanges qui constituent une collection musicale unique en France pour cette époque.
Très vite, Charpentier sombre dans un oubli quasi total qui persiste jusqu’au début du XXe siècle. Les raisons de ce silence semblent tenir tout autant de l’homme – dont l’existence modeste se déroula en marge de la cour de Louis XIV – que du créateur. Exclu et incompris par les défenseurs de la musique de Lully qui était le modèle obligé, salué seulement par une minorité de connaisseurs ouverts au style italianisant que pratiquait Charpentier, voici comment le compositeur se présente dans son Epitaphium Carpentarii :
« J’étais musicien, considéré comme bon parmi les bons et ignare parmi les ignares. Et comme le nombre de ceux qui me méprisaient était beaucoup plus grand que le nombre de ceux qui me louaient, la musique me fut de peu d’honneur mais de grande charge... »
(Centre de musique baroque de Versailles).




La version (controversée) du Concert Spirituel et d'Hervé Niquet.


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4 commentaires:

  1. Et dire que j'écris actuellement un roman sur le thème de Médée... Coïncidence...

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  2. Me voici d'ores et déjà en quête pour pouvoir écouter cette œuvre que je connais si peu !

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  3. Mise en page toujours aussi ravissante.

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